Empty Apartment |J.W.|

*BLIND* BUT PROUD Messages : 68 Date d'inscription : 06/02/2008

BOUM !

|Fran’| Mince !

Fran’ s’accroupit et tâtonna pour trouver le carton qu’elle venait de faire tomber. Elle sentit une douleur la prendre dans le doigt. Douleur qui lui monta à la tête. Francesca se leva, des morceaux de verres à la main. Elle se dirigea près de l’évier et ouvrit la petite porte sous celui-ci. Elle se baissa pour jeter les morceaux de verre dans la poubelle, puis se releva pour passer sa main sous l’eau froide.

Comment sa sœur a-t-elle eut l’idée de laisser un cadre dans les affaires de Fran’ ? Avait-elle oublier le fait que Francesca était aveugle ? Non, peut-être pas. Katy savait sûrement que Fran’ connaissait chaque photo de chaque cadre. Et qu’elle connaissait les photos par cœur, même après une dizaine d’années. D’ailleurs, cette photo représentait un aperçu de sa famille au complet. Avant que sa grand-mère meurt. Avant que son grand-père meurt. Et surtout, avant qu’elle soit aveugle. Sa sœur, Katy, ne savait sûrement pas que Fran’ n’avait pas besoin de toucher ce cadre pour se rappeler de sa famille.

La jeune brune prit le cadre en prenant soin de ne pas se couper, et le jeta lui aussi à la poubelle, après avoir retiré la photo à l’intérieur. Elle plia cette photo en quatre et l’enfouit dans la poche de son jean. Fran’ passa une main sur sa montre brai. 13h42 . Elle avait rendez-vous à deux heures, alors mieux valait se dépêcher. Elle attrapa son sac à main sur la table de la cuisine et se dirigea vers la porte, manquant de tomber à cause du carton oublié. D’un geste du pied, elle le balança près des autres cartons, à l’entrée. Elle sortit en compagnie de son chien et verrouilla sa porte avant d’appeler l’ascenseur. En l’attendant, elle réajusta son haut turquoise.

Katy était partie une semaine plus tôt, après lui avoir décrit presque toute la ville. Fran’ connaissait donc la plupart de ses recoins. Elle avait rendez-vous avec un jeune homme prénommé Jake Wakefield. Elle allait visiter un autre appartement que le sien. En effet c’était peut-être bizarre vu qu’elle avait emménagé dans celui-ci deux semaines auparavant. Mais la raison était toute aussi bizarre.

DING ! L’ascenseur ouvrit ses portes devant elle, et elle s’engouffra dedans. Elle appuya sur le bouton 0 et s’appuya sur la barre froide de l’ascenseur. Cette fois, elle était seule dans l’ascenseur. C’était une chose rare, car l’appartement étant habité par plus d’une centaine de personnes, l’ascenseur était presque tout le temps occupé par une ou deux personnes, surtout en début d’après-midi. Francesca avait rendez-vous dans un café, au Starbucks.

Fran’ devait se trouver un nouvel appartement car le sien n’était plus habitable. Elle avait malencontreusement allumé un incendie quelques jours auparavant dans sa cuisine. Elle n’avait encore jamais cuisiné dans son appartement, puisque sa sœur le faisait pour elle. Elle ne savait donc pas comment sa plaque chauffante marchait et avait mis le feu à son steak. Depuis, elle commandait des plats à la pizzeria ou au KFC.

DING ! Fran’ sortit de l’ascenseur et par la même occasion, de l’appartement. Sa chienne, Joy’, la suivait toujours à la trace. Elle croisa deux personnes, un couple apparemment. Elle l’entendait à leur voix.

|Fran’| Bonjour.

|???| …

|Fran’| *C’est toujours très gentil…*

En espérant que ce Jake ne sera pas comme ça. Fran’ appela un taxi. Elle ouvrit la porte, posa son chien dedans, et s’assit à l’arrière.

|Fran’| Oxford Street.

La jeune femme se cala dans son siège et sentit la voiture démarrer. Elle n’avait reçu aucune réponse du chauffeur, mais elle devina qu’il ou elle l’avait comprise. Pourquoi avoir choisi le Starbucks ? Fran’ ne le connaissait pas donc ne pouvait répondre à cette question. Mais à son coup de fil avec Jake, elle avait précisé qu’elle aurait voulu sortir un peu de l’appartement avant la visite. En effet, elle n’avait pas eu l’occasion de sortir beaucoup ces temps-ci, donc un verre en dehors ne lui ferait que du bien. C’était lui qui avait eu l’idée du Starbucks. La taxi s’arrêta.

|Chauffeur| 6.50 $.

Fran’ sortit un billet de 10 $ et le tendit au chauffeur. Elle attendit sa monnaie et sortit du taxi. D’un coup, elle sentit le soleil lui taper sur les épaules, et la foule qui se promenait dans la rue commerçante. Elle attacha son chien en laisse et se laissa guider dans la foule. Elle arriva au Starbucks, et au lieu de s’asseoir, attendit debout son rendez-vous. Effleure sa montre, 13h57.

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13h57. Et merde. J regardait d'un air choqué sa montre, la buée envahissant toujours la salle de bains et l'empêchant presque de respirer tellement la douche qu'il venait de prendre avait été brûlante. Toujours en retard. Soupir. Il prit une serviette et entreprit de se secouer les cheveux le plus énergiquement possible tout en courant récupérer son manteau et son sac à dos Eastpak. Puis, claquer la porte. Il lança une volée d'injures, mit la clé dans la serrure, rouvrit la porte.

J - Kathleen ? Je sors.

Refermer la porte. Il se mit à littéralement courir. Et il était quatorze heures. F'chier. Le couloir fut vite traversé, mais il fallut encore chercher des yeux la voiture qu'il avait louée pour la semaine - plus que trois jours -, trouver la clé dans la poche de son manteau - mais combien y'avait-il de trucs dans cette poche ? -, lancer le moteur, et appuyer sur l'accélérateur. Direct. Vitesse deux, trois, quatre. Griller un, deux, trois feux. Et puis, vlan, il était à Oxford Street et s'arrêta juste à côté du Starbucks, dans la rue bondée. Okay. La terrasse du café était bourrée de monde, comment diable allait-il la trouver ? Il jeta un regard paniqué sur sa montre. 14h06. Et enfin, au moment de relever les yeux, il la trouva.

J - Fransesca Tower ? Je suis Jake Wakefield, nous avions rendez-vous à quatorze heures mais je suis désolé, je suis un peu en retard. Venez, on va s'asseoir.

Son ton essoufflé - ce n'était pas un grand sportif - montrait la sincérité de ses paroles. Il choisit une place à la terrasse pour que le chien pût rester avec eux, dirigea F vers une des chaises et s'installa sur l'autre. Presque aussitôt, un serveur s'approcha pour prendre leur commande. Instinctivement, J commanda un café sec et un croissant, se taisant ensuite pour qu'elle pût prendre sa commande. Pendant ce silence, il l'observait et se rendait compte à quel point il était mal à l'aise avec F. Il ne savait pas comment il était sensé agir, s'il était sensé véritablement la prendre en charge, en la traitant presque comme une enfant, de peur qu'elle ne se fît mal ou autre chose, ou si au contraire, il était censé agir comme si c'était une personne normale. Et puis, enfin, il se souvint de sa professeur de musique à l'orphelinat, du moins à l'un des orphelinats. Elle était aveugle mais elle jouait merveilleusement bien du piano, et surtout elle avait une dignité qu'il fallait respecter sans quoi elle devenait très susceptible. Alors, à partir de cet instant, il instaura entre eux deux la distance respectueuse qu'il y avait d'habitude entre deux adultes. On verrait s'ils se rapprocheraient.

J - J'espère que l'appartement va vous plaire. J'y ai passé de nombreuses années et même si je suis parti avec beaucoup de joie, au fond, je savais que j'allais regretter ces pièces, cet univers qui était devenu mien. Etes-vous allée le visiter, finalement ?

Silence.

*BLIND* BUT PROUD Messages : 68 Date d'inscription : 06/02/2008

Francesca sentit que quelqu’un s’approchait.

|Jake| Fransesca Tower ? Je suis Jake Wakefield, nous avions rendez-vous à quatorze heures mais je suis désolé, je suis un peu en retard. Venez, on va s'asseoir.

Elle sourit quand Jake se présenta, s’excusa et proposa la place assise. Elle ne refusa pas et hocha la tête en signe de confirmation. Fran’ remarqua que Jake était mal à l’aise, et elle sentit qu’elle avait peut-être fait une erreur en lui dévoilant son infirmité. Elle retira ses lunettes de soleil et les posa sur sa tête, en les accrochant à ses cheveux. Là, elle le regarda droit dans les yeux, sans voir, en même temps, sa réaction. Il l’avait placé lui-même à une table, et elle s’était laissée faire sans broncher. Peut-être qu’il avait besoin de se sentir utile. Elle entendit le serveur arriver, et la réponse de Jake. Un croissant et un café sec. Vu la chaleur, Fran’ ne pouvait comprendre ce choix, et prit un thé glacé. Elle n’avait pas vraiment faim. Elle avait déjà dîner. Francesca se tourna à nouveau vers Jake quand le serveur partit. Une question lui vint à l’idée. Qui payerait ? Elle n’eut pas le temps de trouver une réponse car Jake lui déversa un flot de paroles.

|Jake| J'espère que l'appartement va vous plaire. J'y ai passé de nombreuses années et même si je suis parti avec beaucoup de joie, au fond, je savais que j'allais regretter ces pièces, cet univers qui était devenu mien. Etes-vous allée le visiter, finalement ?

Elle l’écoutait en souriant et puis il lui posa une question. Elle entreprit de trouver les mots pour lui répondre.

|Fran’| Je… Je pensais vous attendre. Je suppose que personne d’autre que vous ne connaît aussi bien cet appartement. Et j’aurais préféré que vous me le fassiez visiter.

Francesca ajouta un sourire, et elle tourna la tête en entendant le serveur arriver. Malgré tous les bruits aux alentours, elle avait déjà identifier sa façon de marcher, et sa voix. De plus, elle sentait l’odeur du thé et du café se mélanger à celle du croissant. Il déposa les aliments à leur propriétaires respectifs et il retourna travailler. Francesca baissa la tête vers son thé et le mélangea.

|Fran’| Alors ? Vous êtes satisfait du nouvel appartement ? Je… n’ai pas vraiment compris pourquoi vous vouliez partir, vu la façon dont vous décrivez votre appartement.

Elle lui adressa un sourire interrogateur et lacha la cuillère qui lui servait à mélanger son thé. Elle le laissa refroidir et posa ses yeux bruns sur Jake. Fran’ regretta juste à ce moment précis de ne pas pouvoir voir.

Messages : 123 Date d'inscription : 20/01/2008 Age : 31

Aveugle. J avait eu l’impression parfois de l’être. Une fois, ç’avait été quand, dans l’orphelinat, on l’avait enfermé dans le cachot, sans MJ. Il était seul, dans l’obscurité, et on lui avait retiré son briquet et ses cigarettes. Jamais encore pareille cruauté ne lui avait été faite et il ne savait franchement pas s’il y survivrait. Il se souvenait encore de la vitesse à laquelle son cœur battait à ce moment-là, vite puis lentement, lentement puis vite. Tantôt la vie, tantôt la mort. Il vacillait. Et il ne voyait pas. Et il ne voyait rien. On n’était venu le chercher que deux jours plus tard. Il avait pu boire pendant ce laps de temps et manger les maigres rations de nourriture qui étaient venues chaque matin. On lui faisait payer ses fugues. Et pour leur faire payer cet enfermement, il avait fugué à nouveau. En recouvrant le plaisir de voir, voir ce à côté de quoi il courait, voir les pavés sur lesquels il s’élançait, voir les bâtiments et la Tamise, voir le ciel et ses nuages, voir les cigarettes qu’il fumait frénétiquement. Voir.

F - Je pensais vous attendre. Je suppose que personne d’autre que vous ne connaît aussi bien cet appartement. Et j’aurais préféré que vous me le fassiez visiter.
J - Bien entendu. Excusez-moi, c’est ce retard qui me fait tourner la tête. Mais si vous le souhaitez, après avoir pris un café ensemble, nous pourrons aller voir l’appartement. J’espère sincèrement qu’il ne vous décevra pas.

Le serveur arriva juste au moment où il finissait de parler. Il posa le thé devant F et le café/croissant devant J. Celui-ci, avant de continuer la conversation, but aussitôt une gorgée, se sentant déjà beaucoup mieux. Il y eut un court silence, pendant lequel elle mélangea son thé, et lui prit une puis deux puis trois bouchées de croissant. La réponse à la question que tout le monde se pose ? Oui, il avait extrêmement faim.

F - Alors ? Vous êtes satisfait du nouvel appartement ? Je n’ai pas vraiment compris pourquoi vous vouliez partir, vu la façon dont vous décrivez votre appartement.
J - Avale. En fait, c’est une histoire un peu folle, parce que je suis moi-même assez fou. Le soir de Noël, j’ai rencontré une jeune femme – elle s’appelle Kathleen – et nous avons fait connaissance très rapidement, comme si nous étions destinés à nous rencontrer. Nous ne sommes pas tombés amoureux, ne vous méprenez pas, mais il y a un lien qui s’est aussitôt créé entre nous et je doute qu’il puisse se défaire un jour. Peut-être que je suis trop optimiste. Quoiqu’il en soit, j’ai quelques problèmes de – de santé, et elle a gentiment proposé de m’aider, ce qui m’a conduit en réalité à emménager chez elle. Bon, c’est vrai que dit aussi vite et comme ça, l’ensemble de l’histoire a vraiment l’air d’une folie, mais je vous assure que nous n’avons pas douté parce que nous avons compris que quelque chose marchait entre nous.

Il se tut, prenant une bouffée d’oxygène après sa longue tirade, son visage montrant une expression d’incrédulité face à sa propre histoire. Tout était allé si vite, maintenant qu’il y pensait, tout avait été presque magique. Et il ne regrettait pas son geste. Oh, non. Il était plus heureux que jamais, et cela pouvait se sentir si on le connaissait bien.

J - Je ne m’attendais pas à tout raconter, mais voilà. Vous savez tout, maintenant.

Il lui aurait fait un clin d’œil si elle avait pu le voir, mais il préféra éclater de rire. Et ce rire, ce rire furtivement lâché, lui fit connaître un tel sentiment de bonheur qu’il faillit en pleurer. Il ne pouvait l’expliquer à F parce qu’il aurait semblé ridicule – et qu’il gardait un peu de dignité derrière toute cette excentricité – mais il y avait en lui une telle joie que même son sourire ne pouvait la contenir. Il était heureux, tout simplement, et cela signifiait tout à ses yeux. Croissant, café. Il manquait le troisième C.

J - Je – ça vous ennuie si je fume ?

*BLIND* BUT PROUD Messages : 68 Date d'inscription : 06/02/2008

Donc ils allaient voir cet appartement dans quelques dizaines de minutes. Il faut dire que Francesca n'était pas spécialement pressée de le voir, mais plutôt impatiente de quitter son appartement actuel. En deux semaines, elle ressentait toujours cette odeur de renfermé qu'elle avait sentie le premier jour en arrivant dans le bâtiment. Et puis, elle n'osait plus cuisiner. Elle préférait ne pas être seule pour faire une chose pareille. Mais elle ne pouvait se résoudre à demander quelque chose comme cela à Jake ou à n'importe qui d'autre. Elle n'avait pas spécialement envie de voir ses parents. Ils l'avaient tellement surprotéger pendant toutes ces années. Elle pouvait enfin se sentir libre. Sa soeur, par contre, lui manquait. Mais elle devrait attendre encore une année avant de la revoir, en dehors de ses vacances et des cas extrêmes. Pour finir, peut-être que son père avait accepté de la laisser vivre seule juste parce qu'il savait qu'elle ne pourrait pas s'en sortir. Et peut-être même qu'il avait raison.

Jake répondit à la question de Fran', et par la même occasion, la tira de ses pensées. Des problèmes de santé ? Pourquoi Jake avait-il eu un léger malaise dans la voix quand il avait prononcé ces mots ? Peut-être que Francesca s'imaginait trop de choses.

En effet, l'histoire semblait folle, mais au contraire de ce que pensait Jake, à l'entendre racontée ainsi, elle semblait aussi réelle, magique et incroyable qu'elle l'était sûrement. Une histoire que beaucoup de monde pourrait rêver vivre. Enfin, peut-être pas autant de monde que ça, mais Fran' adorerait ressentir autant de choses pour quelqu'un, et surtout que cela soit réciproque. Fran' n'avait jamais connu ce lien qui pouvait unir deux personnes.

|Jake| Je ne m’attendais pas à tout raconter, mais voilà. Vous savez tout, maintenant.

Fran' lui sourit. Elle entendit son rire franc, heureux, joyeux et elle ne put s'empêcher de lui dire quelques mots qu'il aurait peut-être été judicieux de garder pour elle.

|Fran'| Vous êtes fou...

Evidemment, elle n'en pensait pas un mot, mais c'est sûrement ce qu'aurait pensé d'autres. Elle continuait à sourire pour montrer son ironie et son incrédulité. Mais il lui posa une question à laquelle elle ne s'attendait pas et qui la coupa dans sa lancée.

|Jake| Je – ça vous ennuie si je fume ?

Ele but deux gorgées de thé avant de lui répondre.

|Fran'| Oui. Mais vous n'avez pas à vous inquiétez de ce qui m'ennuie.

A vrai dire, l'odeur de la fumée, de la cigarette, et même du joint ne la dérangeait pas le moins du monde. D'ailleurs, ça lui arrivait parfois de fumer dans des accès de colère, mais c'était devenu assez rare. La raison pour laquelle elle avait répondu positivement, c'était qu'elle venait de comprendre quels pouvaient être ses "raisons de santé". Si la cigarette en faisait partie, elle voulait elle aussi l'aider, sans vraiment lui montrer. Il croirait sans doute qu'elle avait horreur de ça, ou autre, mais cela ne la dérangeait pas. On lui collait de toute façon tellement d'étiquettes qu'une de plus ne pouvait lui faire de mal. Elle le méritait puisqu'elle ne montrait pas sa vraie personnalité.

Francesca but encore dans sa tasse puis la reposa dans sa soucoupe. Cette question que Jake avait posée avait effectivement chamboulé l'atmosphère qui régnait autour de cette table, et Fran' aurait voulu pouvoir dire quoi que ce soit qui puisse les détendre, mais elle s'en voyait incapable.

Messages : 123 Date d'inscription : 20/01/2008 Age : 31

F - Oui. Mais vous n'avez pas à vous inquiéter de ce qui m'ennuie.

Silence. J, éberlué, regardait la jeune femme sans un mot, savourant enfin son infirmité pour n'avoir pas à se retenir : son visage arborait franchement de la surprise. Jamais dans sa vie on ne lui avait refusé de fumer une cigarette et il fallait ou bien avoir un esprit de contradiction très poussé ou bien un sens de l'odorat très fragile pour ne pouvoir supporter qu'il fume. Ne sachant pas exactement si c'était la première ou la deuxième solution, et ne souhaitant réellement pas la déranger, il fit une moue, et ses doigts tapotèrent quelques secondes sur la table, l'angoisse le prenant. Mais, au bout de quelques secondes, il s'arrêta en pensant avec horreur que si l'interdiction de prendre une cigarette faisait ça, que serait celle de ne prendre aucune substance nocive pour l'éternité ? Une boule dans la gorge. Aphone, il ne pouvait que regarder F avec des yeux suppliants, ne sachant vraiment s'il voulait qu'elle le laisse fumer ou qu'au contraire elle le déterminât à continuer ainsi. Son coeur battait, sa tête tournait. Et tout ça pour une clope qu'il ne pouvait pas prendre. Point. Le silence s'intensifiant, il finit son croissant et porta à ses lèvres sa tasse de café buvant rapidement les gorgées qu'il restait, bien que toutes le brûlaient méticuleusement. Tant pis. Fallait faire quelque chose. Fallait accélérer. Fallait fumer. Il leva la main et le serveur s'approcha aussitôt.

S - Souhaitez-vous quelque chose, Monsieur ?
J - L'addition, s'il-vous-plaît.

Il aurait aimé rester plus longtemps avec F mais il en était réellement incapable : sans raison, ses mains tremblaient, et lui qui se croyait dépendant de la drogue mais pas de la cigarette, il découvrait avec stupeur que même la nicotine lui était absolument indispensable. Il pensa avec regret qu'il aurait dû en fumer une ce matin, comme à son habitude et décida que plus jamais il ne se retiendrait pour K. Trop aléatoire. Le serveur revint alors que J et F n'avaient toujours pas échangé un mot. Belle ambiance. Foutues addictions.

S - Voilà.
J - Merci. Tenez.

Le serveur lui rendit la monnaie et s'éloigna vers les autres tables qui, déjà, l'appelaient. J, quant à lui, tentait de se calmer, se leva, se rassit, mit ses lunettes de soleil, trouva de quoi faire un joli pourboire, se releva, détacha le chien pour le prendre de la main droite et prit F du bras gauche pour l'entrainer vers la voiture. Il installa l'animal à l'arrière, la jeune femme à l'avant et se mit lui-même à droite, afin de démarrer la voiture. Un, deux, trois : le moteur vrombit et ils commencèrent à filer dans les rues de Londres. Il ne pouvait pas fumer mais rien ne l'interdisait de remplir son coeur d'adrénaline pour au moins ne plus sentir le manque, le besoin. Puis il s'arrêta devant la porte du bâtiment dans lequel se trouvait l'appartement et il se tourna vers F, haletant.

J - Vous ne comprenez pas, vous ne pouvez pas comprendre, c'est un manque qui me tue, et je peux me retenir de fumer à vos côtés mais je ne serais pas dans mon état normal, si je puis dire, je serais plus angoissé, plus distant. Et si ces conditions vous conviennent, alors on monte, sinon dites-moi, et mon voisin vous fera visiter.

*BLIND* BUT PROUD Messages : 68 Date d'inscription : 06/02/2008

Elle se rendait compte qu'elle n'aurait sûrement pas du répondre ça et aurait pu être soi-même, juste une fois pour essayer. Mais il était maintenant trop tard pour reculer. Enfin. Toutes ces pensées lui bousculaient dans la tête à un point qu'elle n'avait pas remarqué que Jake commençait à angoisser. Elle sentit simplement l'impatience et la contrariété apparemment rare dans sa voix quand il demanda l'addition au serveur. A partir de là, les choses s'étaient accélérées, elle s'était sentit tirée vers le haut et attirée en dehors du café, se souvenant qu'elle n'avait pas vraiment terminé son thé chaud. Ensuite elle fut installée à l'avant d'une voiture et sentit son chien toujours vivant à l'arrière de la voiture. En effet, on aurait pu croire à un enlèvement de la façon dont étaient écrites les choses, mais Francesca n'avait pas vraiment pensé à ça de cette façon. Elle se disait plutôt qu'elle avait mis Jake dans un état qu'elle n'avait pas voulu mettre et qu'il valait peut-être mieux qu'elle ne dise rien. Le seul problème, c'est qu'en s'arrêtant - apparemment ils étaient arrivés à destination - Jake lui donna la parole.

|Jake| Vous ne comprenez pas, vous ne pouvez pas comprendre, c'est un manque qui me tue, et je peux me retenir de fumer à vos côtés mais je ne serais pas dans mon état normal, si je puis dire, je serais plus angoissé, plus distant. Et si ces conditions vous conviennent, alors on monte, sinon dites-moi, et mon voisin vous fera visiter.

Elle ne savait pas vraiment que répondre à un discours pareil et ne s'y était pas préparée. Qu'il soit plus distant rendait un peu triste Fran', mais en même temps elle ne le connaissait pas et il ne lui devait rien. Et le fait qu'il soit plus angoissé encore que ce qu'il n'était ennuyait Francesca. Mais d'un autre côté, elle n'avait pas envie que quelqu'un d'autre vienne lui faire visiter comme elle l'avait déjà dit précédemment. La seule solution était qu'elle accepte qu'il fume sa foutue cigarette. Tant qu'elle y était, elle pourrait s'y joindre... Nan, n'importe quoi.

|Fran'| Jake, je vous ai dit de ne pas vous inquiéter de ce qui m'ennuie. Vous n'avez pas besoin de permission pour fumer, et je n'ai pas besoin de quelqu'un d'autre que vous pour me faire visiter votre appartement.

Francesca était assez satisfaite de sa réponse. Il ne restait qu'à espérer qu'il ait compris. Elle l'avait regardé là où ce qu'elle espérait que se trouvait ses yeux, enfin s'il la regardait. Elle porta la main à la poignée de la portière de la voiture et se retourna pour sortir. Elle ouvrit derrière pour prendre son chien et attendit dehors.

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Silence. Pourquoi J agissait-il ainsi ? Parce qu’il ne pouvait pas s’en empêcher. Il était bien évident que ça ne lui faisait pas particulièrement plaisir de « casser l’ambiance » en montrant à quel point l’angoisse s’emparait de lui, lui coupant presque la respiration. Il était d’autant plus évident que ça ne lui faisait pas particulièrement plaisir de quitter en de mauvais termes la première locataire. Inspirer. Expirer. Elle avait parlé. Mais le silence était retombé. Et puis, elle était sortie. Et puis, il était seul dans la voiture. Il réfléchissait. Et s’il tentait de ne pas fumer quand il était avec elle ? Peut-être que tout avait été fait avec de bonnes intentions. Bon. Il fallait transformer son attitude. Allez. Il sortit de la voiture, ferma la portière calmement et rejoignit F sur le trottoir. Il prit avec douceur son bras, récupéra la laisse du chien de l’autre main – bien qu’en général, les gens de l’immeuble n’apprécient pas trop les animaux, il allait évidemment le faire entrer. Ils commencèrent ainsi à monter l’escalier, jusqu’au deuxième étage : là, J lâcha la jeune femme le temps d’ouvrir la porte et de la faire rentrer, ainsi que l’animal. Derrière lui, le voisin qui l’avait été à déménager descendit et s’arrêta soudainement, remarquant sa présence.

V - Alors, le nouvel appartement ? Tiens, mais v’là une nouvelle voisine, dit-il en jetant un coup d’œil à l’intérieur de l’appartement, où F était entrée, si je ne m’abuse.
J - Ouais. Je lui fais visiter l’endroit pour qu’elle me dise si ça lui convient ou pas, donc pas de faux espoirs, encore.

Il fit un clin d’œil au voisin puis entra et ferma la porte derrière lui, le silence emplissant de nouveau les pièces vides mais ne sentant pas encore trop l’odeur du renfermé. Rapidement, il se dirigea vers les fenêtres pour en ouvrir quelques-unes et ainsi laisser air et lumière entrer à l’intérieur de l’appartement. Un sourire aux lèvres, il sentit une nouvelle fois que cet endroit lui manquerait drôlement, et c’était avec une certaine nostalgie qu’il l’abandonnait. Heureusement que c’était quelqu’un de bien. Quelqu’un ? Ah. Il se tourna vers F.

J - Alors, comment voulez-vous qu’on s’y prenne ? Je me vois mal vous désigner chaque chose mais nous pourrions faire le tour pour que vous sachiez à peu près comment vous diriger par ici. Et puis, je ne sais pas vraiment comment vous comptez juger l’endroit, alors il va falloir m’aider.

Il parlait d’une voix douce, avec un sourire encore mince mais plus assuré que le rictus empli d’angoisse qu’il avait fait dans la voiture. La situation, d’ailleurs, ne pouvait désormais que s’améliorer. Malheureusement, en jetant un coup d’œil sur sa montre, il se rendit compte qu’il ne devrait pas tarder à partir. Merde.

*BLIND* BUT PROUD Messages : 68 Date d'inscription : 06/02/2008

KATE VOEGELE - I Won't Disagree

Francesca était à présent dans l'appartement. En entrant, elle avait tout de suite reconnu le reste de l'odeur qu'elle avait sentie quand Jake s'était approché d'elle. Une odeur particulièrement délicieuse. Cette appartement risquait de lui plaire, évidemment. Un sourire vint se dessiner sur ses lèvres et elle entendit Jake rentrer à sa suite. Une question vint s'ajouter à cette suite d'évènements. Elle s'y attendait plus ou moins.

|Jake| Alors, comment voulez-vous qu’on s’y prenne ? Je me vois mal vous désigner chaque chose mais nous pourrions faire le tour pour que vous sachiez à peu près comment vous diriger par ici. Et puis, je ne sais pas vraiment comment vous comptez juger l’endroit, alors il va falloir m’aider.

Okey, rien de plus simple. Elle se tourna vers Jake avec un sourire en coin.

|Fran'| D'abord, je peux vous tutoyer ?

Elle sourit et ajouta presque aussitôt :

|Fran'| Ensuite, où se trouve le fauteuil ?

En effet, c'était à peu près une des choses pour lesquelles Jake pouvait lui être le plus utile. Elle retira sa veste et la posa sur la chaise à côté de laquelle se trouvait son chien.

|Fran'| Le reste devrait venir facilement.

Sauf si il se mettait à la suivre partout, car c'était la chose qu'il ne fallait pas faire. Elle attendit néanmoins qu'il réponde à ses questions avant de se jeter dans l'appartement. Elle se surprit à se demander comment c'était de voir comme une personne normale. Et surtout si c'était le même effet de fermer les yeux et de s'aventurer dans le noir. Elle n'avait pas apprécier ce sentiment au début, mais elle se souvenait parfaitement qu'elle avait toujours adoré l'inconnu. Les risques étaient toujours intéressant. Si Jake arrêtait de la tenir partout comme il l'avait fait jusqu'ici, elle ne pourrait pas pratiquer son sport préféré : s'aventurer, oser. Elle ne lui avait pas encore dit qu'elle aurait préféré marcher seule, ou plutôt qu'elle n'avait pas besoin d'être tenue et suivie, car sa présence ne la dérangeait pas du tout. Elle attacha ses cheveux et arrêta son regard qui parcourait la pièce sans la voir. Elle posa ses mains sur ses hanches, son bracelet lui glissant largement sur la main.

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Tout se passa beaucoup plus simplement que J ne l'avait imaginé. En effet, il lui suffit de poser sa question pour qu'elle embrayât sur quelque chose qui n'avait rien à voir, cela n'empêchant pas la question, grâce au ton sympathique sur laquelle elle avait été posée, d'être bien reçue. Il acquiesça d'un signe de tête avant de répondre positivement par l'oral, la cécité empêchant évidemment F de voir quelque mouvement qu'il fît. Aussitôt, elle voulut savoir où était le fauteuil, il la prit par le bras et l'y amena ; elle déposa son manteau, laissa son chien là où il était et conclut que le reste viendrait facilement. J comprit enfin qu'elle allait se débrouiller seule et ne put que lui proposer d'y aller, se dirigeant lui-même dans la direction tout à fait opposée. Il alla dans la cuisine où il avait oublié sa cafetière - ce dont il s'était rappelé en entrant dans l'appartement, bizarrement. Il commença à faire du café tout en réfléchissant à l'attitude étrange qu'avait la nouvelle locataire avec lui. Elle voulait qu'il lui fasse visiter l'appartement, il était venu uniquement pour cela, et maintenant, elle ne voulait plus de son aide. L'avait-il offusquée ou était-elle ainsi d'habitude ? Il haussa les épaules, seul, avant de penser au fait qu'il n'avait pas de tasse, ici. Renaclement de désapprobation.

J - J'arrive tout de suite !

Sans savoir où elle l'était, il l'avait crié dans le vide de l'appartement et avait aussitôt ouvert la porte, histoire d'aller de l'autre côté du palier, chez la voisine. Celle-ci lui ouvrit automatiquement et eut un sourire charmé quand elle le revit ; autant elle n'avait jamais apprécié ses pratiques quelques peu étranges, autant, depuis qu'il était parti, elle semblait n'attendre que son retour.

V - Vous êtes revenu ?
J - Non, absolument pas, je ne voudrais pas vous causer plus de problèmes qu'il n'y en a déjà eu au cours de l'année. Simplement, je me demandais si vous pouviez me prêter deux tasses.
V - Je ne sais pas si je peux compter sur vous pour me les ramener.
J - Sur moi, certainement pas, mais sur la nouvelle locataire, sans aucun problème.

En entendant cela, le sourire de la voisine s'élargit encore quelque peu et elle disparut dans l'appartement avant de revenir avec deux tasses à la main. J fit une révérence amusée, la remercia une douzaine de fois puis pénétra vivement dans l'appartement. Il servit deux tasses de café et appela de vive voix F à le rejoindre dans la cuisine. Elle avait certainement fini de visiter l'endroit et lui n'allait vraiment plus tarder à partir, d'après l'emplacement des aiguilles de sa montre. Il lui demanda d'une voix calme si elle avait apprécié le lieu, sans lui signifier encore qu'il avait un rendez-vous peu de temps après.

*BLIND* BUT PROUD Messages : 68 Date d'inscription : 06/02/2008

Est-ce que ça vaut la peine que je réponde ?