Movin' in - |J.K|

Messages : 123 Date d'inscription : 20/01/2008 Age : 31

Drrring. La main de J se plaqua violemment contre le réveil. Le bruit cessa aussitôt, bien heureusement, et le jeune homme, aussi soudainement et contrairement à ses habitudes, bondit hors de son lit. Il atterrit devant son miroir, son reflet le dévisageant avec amusement. On aurait vraiment dit un gamin le jour de son anniversaire. Bam ! Sa tête rencontra le plafond. Il jura, avant de jeter un dernier regard dans la pièce. Vide. Il n’y avait qu’une dizaine de cartons contre le mur, et un matelas par terre, sur lequel il avait dormi pendant deux nuits – ayant vendu sommier, draps, couettes et coussin pour louer une voiture. Ses parents continuaient à lui envoyer, chaque mois, un peu d’argent, mais restaient très distants : ne voulant pas avoir à supporter son addiction, preuve de leur échec parental, ils l’avaient quasiment chassé. Depuis, il avait vécu seul. Sur le miroir, un post-it. Avec l’adresse. Frisson. J récupéra ses dernières affaires de toilette, les glissa dans son sac à dos, puis alla frapper chez le voisin. Ils se connaissaient vaguement, avaient déjeuné quelques fois ensemble, mais ce n’était pas une amitié intense, pas comme avec A, pas comme avec K. Le trentenaire ouvrit la porte et hocha de la tête, s’avançant aussitôt pour l’aider à descendre par les escaliers – il n’y avait pas d’ascenseur, ç’aurait été trop simple – les cartons. Ils durent remonter deux fois, et J ferma la porte à clé, avant de donner celle-ci au concierge, en bas, qui la donnerait au locataire qui n’allait pas tarder à emménager. En effet, il n’avait pas du tout en vue de vendre l’appartement que lui avaient acheté ses parents. Non. Il allait le louer, et se faire de l’argent très simplement, plutôt.

V - Bon. Tout est dans la voiture, je crois. Alors, je vais r’monter.
J - Ouais. Merci beaucoup, et on s’appelle, okay ?

Et le voisin remontait, et J s’installait, au volant de la vieille voiture qu’il avait louée pour la semaine. Au moment où il tourna la clé, et où le moteur se mit en marche, il fut frappé par l’idée que tout ce qu’il faisait était quasiment anormal, que toute cette journée, toutes ces démarches, toutes ces pensées tournées vers l’avenir, ne lui ressemblaient pas. Son sourire décupla, et il enclencha la deuxième vitesse, puis la troisième, filant dans les rues avec plaisir. Jusqu’à ce qu’un policier siffle, regarde attentivement ses papiers, et commence à le réprimander. Le cœur de J battait éperdument, car il transportait pas mal de substances illicites dans un des cartons. Le policier les désigna d’un signe de tête.

P - Qu’est-ce que c’est ?
J - Je déménage. A la Surrey Residence.
P - Ah ? Ma belle-soeur habite là-bas. Il faut dire que c'est un quartier très agréable. Il y un parc, au coin de la rue, on y amène souvent les enfants. Inès, ma p'tite dernière, adore, parce qu'il y a des balançoires. Bon. Allez-y, et roulez un peu plus doucement, d’accord ?

Un sourire, le moteur, disparaître. Les rues, de nouveau, boulevards, avenues, places, puis on s’approche, puis le cœur bat, puis on descend, on prend deux cartons dans les bras et on commence à se diriger vers le bâtiment. Titubant presque, le jeune homme pensa qu’employer une équipe de déménageurs n’aurait peut-être pas été une si mauvaise idée. Mais l’affaire fut vite réglée. 11, 12, 13, 14. Il eut l’impression que le carton du bas glissait, et à l’idée que toutes ses affaires se déversent sur le sol, il eut un frisson. 15, 16, 17. Il s’arrêta, sonna du bout du nez, et ramena son genou contre son buste pour y poser les cartons quelques secondes. A l’instant où la poignée se baissa, il récupéra les cartons dans ses bras. Image d’homme courageux. S’il n’y avait eu son sourire. Celui d’un gamin le jour de son anniversaire. A l’idée toute bête, à l’idée toute simple, à l’idée au final si parfaite, qu’ils allaient être bien mieux ensemble. Better Together.

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Le jour déversait sa lumière bienfaitrice dans l'appartement de Kathleen, illuminée par un rayon de soleil tandis qu'elle buvait un chocolat chaud sur la table située contre la fenêtre. De là elle observait la silhouette que dessinait le toit des bâtiments dans la clarté matinale d'une journée ensoleillée d'un mois de mars. Elle aimait contempler la grande ville qui se réveille, regarder les rues se peupler lentement d'hommes et de femmes se rendant au travail, d'enfants tantôt excités tantôt mal reveillés prenant le chemin de l'école, voir les boutiques de sa rue s'ouvrir les unes après les autres. Mais aujourd'hui, la jeune femme n'observait pas la courbe grise serpentant sur le sol avec la même neutralité que les autres jours. Aujourd'hui était un jour spécial. Aujourd'hui...
La française regarda sa montre, geste qu'elle effectuait toutes les trente secondes depuis son réveil. N'importe quoi. On aurait vraiment dit une petite fille le jour de noël, attendant avec impatience la venue de l'homme en rouge. Le jour de noël. Elle s'en souvenait comme si c'était hier. Elle se souvenait de toutes leurs rencontres. A vrai dire, les deux jeunes gens étant pris par leurs études ne s'étaient pas vus autant que Kitty l'espérait. Mais chaque instant fut un moment magique, où le soleil était étonnament toujours au rendez-vous.

Kathleen avait fait place nette, aucune poussière n'oserait revenir après la chasse effrainée qu'elle leur avait faite. La jeune française était ordonnée, pour ne pas dire maniaque, la tâche n'avait donc pas été difficile. Et maintenant ? Elle attendait, de son habituelle impatience. Mais non de son impatience agacée. Alors, pour passer le temps elle réfléchissait à leur future vie en cohabitation. A leurs éventuelles disputes, à leurs éventuels problèmes, mais surtout : à toutes ces heures ensemble, les joies qu'elle allait connaître en compagnie du garçon, leurs sorties au cinéma et aux expositions d'art. Peut-être allaient-ils se lasser ? Peut-être n'avaient-ils pas pris le bon choix ? Peut-être était-elle à côté de la plaque. Elle secoua la tête et reposa son bol avant de se lever pour rejoindre sa chambre. Elle jeta sa sortie de bain sur le lit et s'habilla. Slim noir et chemise blanche. Ajouter à cela un sautoir et de multiples bracelets.
Le française n'eut pas le temps de ranger la sortie de bain que la sonnette retentit. Zut, elle avait raté son arrivée. Kathleen traversa l'appartement car la chambre se situait à l'opposé de la porte d'entrée.
Lui ouvrir.
Jake.
Sourire.
Cartons.

« Entre ! Tu veux que je t'aide à en porter un ? »

Demanda-t-elle en désignant les deux paquets que le jeune homme tenait dans les bras, et qui semblaient instables. Elle n'attendit pas la réponse du garçon et se saisit de l'un des deux puis le posa contre le plan de travail de la cuisine, située en face de l'entrée.
Elle attendit que Jake fasse de même pour l'étreindre en lui soufflant doucement :

« Joyeux anniversaire. »

Nouveau sourire. Devait-elle lui donner son cadeau avant ou après avoir fait visiter les lieux à son nouveau colocataire ? Proposer un café, à manger ? Tellement de questions à lui poser.

« Enlève ton manteau, mets toi à l'aise. »

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14 mars. Et le cœur qui bat. Aujourd’hui, rien n’était pareil aux autres jours. Il avait dix-huit ans, aujourd’hui, l’âge de majorité, l’âge de liberté. Il emménageait chez K, aujourd’hui, signe de majorité, signe de liberté. Il sentait que rien n’était laissé au hasard, qu’il avait été conduit jusqu’ici par une plume divine. Et voilà que la porte s’ouvrait, et que lui, gêné, n’avait que son sourire auquel se raccrocher. Jamais il n’avait eu une seule hésitation à propos de ce qu’ils se faisaient. Il avait eu une vie assez folle, assez particulière, et cela n’était qu’une extraordinaireté de plus. K ouvrit. Et, alors qu’il aurait voulu lui sauter dans les bras, deux cartons l’empêchaient de trop se mouvoir. Il resta une seconde sur le palier, hésitant, mais quand le poids se fit vraiment trop oppressant, il dut se résigner au fait qu’elle l’aidât et la suivit pour déposer son propre carton sur le plan de travail. Et puis, une seconde plus tard, elle était dans ses bras. Le parfum de ses cheveux – qu’est-ce que c’était ? L’odorat de J n’avait jamais été une merveille. Fraise ? Rose ? Camomille ? – le fit sentir chez lui, comme si cette bouffée le ramenait dans un univers connu. Il n’était plus perdu, il n’était plus seul.

K - Joyeux anniversaire.

Le regard pétillant de J croisa celui de K, tandis qu’il reculait légèrement en hochant de la tête. Il était content d’être là, rassuré, soulagé, euphorique, tout bêtement heureux. Merci. Et puis, lui qui n’avait pas encore prononcé un mot, encore, se retrouva à devoir répondre à une question directe. Il eut un frisson. Sans qu’il puisse se l’expliquer, il avait l’impression qu’une fois qu’il parlerait, la situation deviendrait complètement réelle, et il avait trop peur que tout cela soit un rêve dont un seul mot de sa bouche le sortirait. Le cœur battant, il écouta donc K, avant de balbutier quelques mots.

J - Mon – mon manteau ? Oui – oui, tu as – tu as raison. Je vais – je vais l’enlever.

Il fit comme dit, mais le garda à la main, puisque ne sachant vraiment où le poser. Puis il passa la main dans ses cheveux et s’efforça de rendre la situation plus détendue ; il savait que ça ne tenait qu’à lui de rendre cela merveilleux. Allez.

J - C’est fou qu’en plusieurs mois, je ne sois jamais venu ici. En tout cas, ton appartement est vraiment sympa. Je suis content d’être là – je voulais simplement que tu le saches. Par contre, je vais devoir y aller – enfin, j’veux dire, chercher les autres cartons, pas partir ailleurs. Tu veux venir avec moi ou attendre ici ?

Il s’était repris. Sa voix, d’abord hésitante, était devenue de plus en plus assurée. Il ne s’était pas réveillé, tout cela n’était pas un rêve, il tournait effectivement une page de sa vie en ce magnifique jour d’anniversaire, et avec une jeune femme qui avait tout bonnement l’air extraordinaire. Il hochait de la tête sans dire un mot, montrant d’un signe de tête la porte d’entrée de l’appartement pour ressortir avec ou sans elle. Il avait hâte qu’elle lui fasse visiter en détails leur lieu commun. Il avait hâte qu’ils deviennent des colocataires normaux, qu’ils sachent tout l’un de l’autre, qu’ils s’entraident, qu’ils deviennent un élément indispensable de la vie de chacun. Quoique, en y réfléchissant, si elle n’avait pas été là, aujourd’hui aurait été un journée de fumette. Et un anniversaire bourré de joints aurait été un anniversaire foireux. Merci.

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Kathleen était sereine. Elle avait craint inconsciemment que le jeune homme ne vienne jamais. Peut-être Jake aurait-il soudainement décidé de conserver son intimité et son autonomie. Ou peut-être aurait-il rencontré une gentille fille avec qui il se serait enfui. Ridicule. Non, il était bien là sur le pallier de l'appartement, l'air gêné et épanoui. Il est vrai que la française n'avait jamais revu le garçon naturellement à l'aise du soir de noël, aisance procurée par les drogues et l'alcool. Lors de leurs rencontres suivantes, le jeune homme s'était montré moins sûr de lui mais celles-ci finissaient toujours comme la fameuse nuit aux souvenirs magiques. Jake était simplement la plus belle rencontre qui lui fût donné de faire. Un être exceptionnel, qu'il soit ivre ou défoncé. Généralement, la française n'avait pas de relations amicales avec des hommes plus jeunes qu'elle, mais lui avait une telle maturité malgré quelques expressions enfantines que la jeune femme avait revu son jugement.

« Mon – mon manteau ? Oui – oui, tu as – tu as raison. Je vais – je vais l’enlever. »

Kitty sourit devant les balbutiements du tout récent majeur et contempla le jeune homme qui ne savait où poser son manteau. Il lui apparaissait avec de magnifiques yeux verts pâles, encore plus clairs que ceux qu'elle avait pû dicerner dans la nuit de décembre, lors de leur première rencontre. Plutôt grand, silhouette élancée et visage à l'expression désabusée. La jeune femme était fière du garçon qu'elle considérait comme son petit protégé, ne doutant pas de son succès auprès des filles de son âge, quelque soit l'apparence sous laquelle elles le percevaient.
Elle s'approcha de lui et se saisit doucement du manteau.

« Ne reste pas figé comme ça. Fais comme chez toi, jette le où tu veux. »

Sur ce, elle déposa l'habit sur l'accoudoir du canapé bleu disposé non loin du plan de travail.

« C’est fou qu’en plusieurs mois, je ne sois jamais venu ici. En tout cas, ton appartement est vraiment sympa. Je suis content d’être là – je voulais simplement que tu le saches.

Kathleen acquieça. Il est vrai que l'idée lui avait parfois traversé l'esprit mais le manque de temps des deux amis lui avait empêché de présenter le futur cadre de vie du garçon.

« Le destin a voulu te réserver la surprise. Quelle soit bonne ou mauvaise. »

Car peut-être que l'appartement ne lui plairait pas, peut-être qu'il n'arriverait jamais à se sentir chez lui. Après tout, Kathleen ne se sentait pas toujours chez elle et envisageait d'apporter de nouvelles modifications au lieu de vie.

Par contre, je vais devoir y aller – enfin, j’veux dire, chercher les autres cartons, pas partir ailleurs. Tu veux venir avec moi ou attendre ici ? »

Fausse frayeur. Puis sourire.

« Je t'accompagne, ce sera plus vite fait. Et puis je suis pressée de voir ce que tu as amené, je trouve que cet endroit manque de personnalité. Je me demande des fois si j'y vis. »

A vrai dire, Kitty passait les trois quarts du temps dans son atelier, une pièce à côté de la salle de bain qui contenait un joyeux chantier. La jeune femme se sentait à l'aise dans cette bulle en perpétuel changement, imprégnée d'une atmosphère créative avec une odeur de peinture fraîche apaisante pour l'artiste, aux connotations de dures heures de travail.

« Tu es venu comment ? »

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Une fois qu’elle eût accepté de l’aider, ils sortirent de l’appartement, laissant la porte entrouverte, et marchant tranquillement dans le couloir. Il n’y avait aucun doute, maintenant, qu’ils avaient fait le bon choix : il n’y avait qu’à voir ce sourire sur leurs lèvres, ce regard heureux qu’ils avaient tous deux, cette joie de vivre qui les habitait si vivement. Heureusement. C’allait marcher. Aucun doute. J réfléchissait déjà à ce qu’elle venait de lui dire sur son appartement, elle ne s’y sentait pas toujours à l’aise. Et il se promit de tout faire pour que cela s’améliore. Il ne mit pas longtemps à décider que les photographies encadrées qu’il avait dans un de ses cartons, et les quelques meubles qu’il avait amenés, surtout pour sa chambre, mais également pour le reste de l’appartement, s’ils lui plaisaient, pourraient toujours servir. Sourire. Puis, elle lui demanda comment il était venu. Au moment précis où il ouvrait la porte de l’immeuble, révélant la voiture rouge pâle qui attendait, silencieuse, juste devant. Mal garée, d’ailleurs, se dit-il en un éclair.

J - Ne te fais pas d’illusions. Je l’ai simplement louée. Mais elle est belle, tu ne trouves pas ?

Il eut un sourire ravi, un rire enfantin, une démarche amusée. Puis, il ouvrit la porte arrière : sur la banquette, quatre cartons se serraient les coudes. Et, dans le coffre, il y en avait encore trois autres. Comment allaient-ils bien pouvoir faire ? Il hésita puis se tourna vers quelqu’un dans la rue, s’approchant automatiquement d’un jeune homme qui avait l’air d’avoir leur âge.

J - Excuse-moi.
JH - Tu veux une clope ?
J - Oui, mais j’en ai suffisamment pour ne pas avoir à t’en demander. En revanche, je me demandais si t’avais cinq minutes pour m’aider à monter des cartons dans mon appartement. Et non, on ne se connaît pas. C’était simplement pour savoir.

Le jeune homme avait l’air franchement surpris. Il resta silencieux pendant quelques secondes, la bouche entr’ouverte, avant de hocher de la tête. Pourquoi pas, après tout, semblait dire son nouveau sourire. Il ouvrit le coffre, prit les trois cartons qui y reposaient, et avec beaucoup plus de stabilité que J, suivit ce dernier, qui avait deux cartons dans les bras, et K, qui avait les deux qui restaient. Parfait. 15, 16, 17 J poussa du genou la porte, et déposa les cartons à côté des autres, sur le plan de travail. Le jeune homme acquiesça, fit de même, et puis tout naturellement, les salua et partit. Aujourd’hui était bien un jour extraordinaire. Sourire.

J - Maintenant que tout est là, je propose que tu me fasses visiter. Et après, si tu veux, on organisera les meubles et toutes les conneries, et peut-être qu’il y aura des trucs qui te plairont pour l’appartement. Tu as de la chance, parce que d’habitude les garçons ne font pas très attention à ce qu’ils achètent et visent au plus pratique, mais moi j’ai plutôt bon goût en général, même si l’argent ne déborde pas de mes poches.

Il lui fit un clin d’œil. Détendu. Heureux.

J - Attends. Pour que tu saches. Je ne serai peut-être pas le meilleur colocataire. J'ai ces manies, le café/clope du matin, ma mauvaise humeur quand je n'ai pas assez dormi, mon goût pour la musique, mes disparitions de temps en temps, et plein d'autres trucs. On peut encore faire marche arrière. Mais j'ai envie de rester, quitte à faire des efforts. A toi d'voir.

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Alors que Kathleen lui demandait comment il était venu, la porte ouverte dévoila une voiture rouge et la jeune femme comprit aussitôt.

« Ne te fais pas d’illusions. Je l’ai simplement louée. Mais elle est belle, tu ne trouves pas ? »

La française sourit et hocha la tête, bien qu'elle ait vu une multitude de voitures bien plus jolies que celle qu'avait loué son nouveau colocataire. Ce dernier avait eu une sacrée chance de trouver une place de parking pile en face de la Surrey Residence, ces précieux mètres² très convoités par les habitants de l'immeuble, trop feignants pour marcher cent mètres. Signe que la journée était réellement déstinée à être parfaite ?
Sept cartons attendaient sagement d'être montés dans le nouveau chez-soi de Jake et le garçon dut se résoudre à demander l'aide d'un passant. Kitty le laissa faire sans émettre le moindre propos, se délectant de voir le jeune homme heureux et motivé.
L'inconnu accepta, comment aurait-il pû en être autrement alors que la journée commençait merveilleusement bien ?
Les cartons déposés aux côtés des deux précédents et le jeune homme serviable retourné à ses occupations, il ne restait qu'aux deux jeunes gens que... une montagne de choses à faire. Faire visiter l'appartement, vider les cartons, trouver une place à leur contenu... Kathleen était excitée et fatiguée d'avance.

« Maintenant que tout est là, je propose que tu me fasses visiter. Et après, si tu veux, on organisera les meubles et toutes les conneries, et peut-être qu’il y aura des trucs qui te plairont pour l’appartement. Tu as de la chance, parce que d’habitude les garçons ne font pas très attention à ce qu’ils achètent et visent au plus pratique, mais moi j’ai plutôt bon goût en général, même si l’argent ne déborde pas de mes poches. »

La française était le contraire. Bien qu'elle ait également bon goût, elle ne faisait pas très attention à ce qu'elle achetait, se fichant du coût car, dernier détail, l'argent débordait de son porte-monnaie. Mais elle ne le précisa pas au jeune homme, n'en voyant pas l'intérêt. Elle se contenta de déclarer :

« A présent si tu désires quelque chose, n'hésite pas à me le demander. »

Elle répondit à son clin d'oeil par un sourire chaleureux et alors qu'elle allait commencer la visite, il l'avertit :

« Attends. Pour que tu saches. Je ne serai peut-être pas le meilleur colocataire. J'ai ces manies, le café/clope du matin, ma mauvaise humeur quand je n'ai pas assez dormi, mon goût pour la musique, mes disparitions de temps en temps, et plein d'autres trucs. On peut encore faire marche arrière. Mais j'ai envie de rester, quitte à faire des efforts. A toi d'voir. »

La jeune femme réfléchit un instant avant de répondre, calmement :

« Pour la clope, je pense qu'on peut arranger cela en ouvrant une fenêtre si tu n'as pas peur de te les cailler. Quant à ta mauvaise humeur, je ne pense pas être mieux. On évitera de se lancer les assiettes dessus, c'est tout.

Elle rit et continua :

J'aime également beaucoup la musique, et tes disparitions ne m'inquiéterons pas tant qu'elles restent brèves. Quoi que en fait... Bref. Je ne voudrais faire marche arrière pour rien au monde. »

Elle n'acheva pas sa phrase mais fit signe à Jake de la suivre à travers le salon jusqu'à en arriver en son centre.

« Donc comme tu as pu le remarquer, voici le salon. »

Elle désigna les deux canapés bleu-gris disposés au milieu de la pièce, face aux grandes fenêtres dévoilant une vue sur la grande ville et à la télé plasma située contre l'une dans elles. Devant les canapés trônaient trois petites tables basses rondes. Ignobles.

« Je tiens à préciser que ces trois machins moches, là, appartenaient à l'ancien propriétaire. Je ne sais pas pourquoi je ne les ai pas changées, flemme probablement. »

Puis elle se tourna vers le coin salle à manger, où étaient disposés une table carrée noire ainsi que quatre chaises. Au dessus pendait une lampe ronde, qui le soir venu dessinait de jolies ombres sur le plafond. Kathleen aimait beaucoup y prendre ses repas tout en admirant la ville à ses diverses heures, baignant dans une lumière sans cesse changeante.

« C'est ici que je mange, la vue est géniale et est un bon remède contre la mauvaise humeur matinale. »

Elle fit un clin d'oeil à Jake et s'approcha de la cuisine qu'elle affectionnait en grande gourmande qu'elle était. Elle en désigna chaque partie, les ouvrant pour dévoiler leur contenu afin que le jeune homme ne cherche pas pendant des siècles les assiettes par exemple.

« Donc évidemment : évier, frigo, plaque chauffante, micro-onde, cafetière. Et, attention plus difficile : Tiroir des couverts, tiroir des ustensiles de cuisine, placard des assiettes et des plats, placard des verres et placard des casseroles et marmittes. Et le plus interessant : Placard à nourriture. Ah j'oubliai, Le tiroir à épices. Sel et poivre s'y trouvent. »

Elle soupira après cette longue énumération et se tourna vers lui, reprenant son souffle.

« Des questions avant d'entamer la visite de la salle de bain ? »

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Non. Ils n’allaient pas faire marche arrière. Voilà ce que J commençait à se dire : bien que cette journée fût extraordinairement belle, ce n’était pas un rêve, c’était la réalité. Aussi et logiquement, la visite de l’appartement commença, avec le salon, la salle à manger et la cuisine. Pendant qu’il regardait chaque meuble, pensant à ce qu’ils pourraient modifier et classifiant déjà les coups de cœur qui le frappèrent – la salle à manger, dans sa sobriété, fut la pièce qu’il préféra – il réfléchissait à ce qu’elle avait répondu. Maintenant, en se levant, il irait systématiquement à la cafetière puis à la fenêtre, où il prendrait son éternel café/clope devant les bâtiments de cette ville qu’il aimait. Quant à ses récurrentes disparitions, elle n’avait pas l’air convaincue à propos de sa quiétude ; il aimerait pouvoir les distancier ou même les éliminer, mais il savait qu’il n’en serait pas capable. Parfois, il avait besoin de fuir, de se mettre sous un pont et de fumer jusqu’à l’évanouissement. Parfois, il avait besoin d’aller voir ses anciens amis à l’orphelinat, et de se saouler avec eux pour oublier, pour fermer les yeux, pour ne pas pleurer. Parfois, il avait besoin de disparaître. Et il se demandait comment il réussirait à le faire accepter à K. Qui cherche trouve, la solution viendrait.

J - Super. L’appartement te convient vraiment, c’est à peu près ce que j’avais imaginé. Sauf, effectivement, le trois tables basses.

Il fit une grimace exagérée pour taquiner K avant d’observer attentivement tout ce qu’elle disait au sujet de la cuisine : il ne savait pas encore s’ils se levaient en même temps et dans le cas contraire, il aurait évidemment besoin de savoir s’y retrouver. Une fois qu’elle eût tout dit, il réfléchit une seconde, et montra chaque chose en répétant. Il eut la sensation d’avoir fait quelques erreurs et finit par éclater de rire : il ne servait à rien d’essayer de tout apprendre en une seconde, il y arriverait peu à peu. Hochement de tête. Il accepta de continuer la visite mais puisqu’ils allaient dans la salle de bain, il en profita pour prendre déjà un carton dans lequel il y avait quelques-unes de ses affaires de toilette. Une fois parvenus là-bas et une fois qu’elle lui eût tout montré, il enleva le scotch au-dessus du carton et ouvrit les deux battants. Il disposa les affaires nécessaires à sa douche puis tout ce qui était brosse à dent, dentifrice, rasoir, gel de rasage, parfum. Mais, alors qu’elle se penchait pour regarder ce qu’il y avait à l’intérieur, il referma vivement les battants, relevant la tête pour voir si elle avait aperçu ce qu’il y avait en dessous. Deux seringues. Merde. J’suis même pas foutu de bien les cacher. Il se força à sourire et se racla la gorge.

J - Montre-moi la chambre, éventuellement, pour que j’y dépose le carton, il reste encore quelques affaires dedans.

Silence.

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Jake se montrait bon élève, tentant de mémoriser l'emplacement de chacun des objets. La jeune femme, attendrie par les efforts du garçon, souriait affectueusement lorsque ce dernier se trompait et confondait le rangement des plats avec celui des casseroles. Mais il finit par conclure que ces reflexes viendraient avec le temps et l'habitude.
Les deux jeunes gens passèrent à la salle de bain que Kathleen lui présenta rapidement. Le tout jeune majeur décida de déballer ses affaires sur le champ, devant la française ravie de le voir prendre si vite ses aises. Comme à chaque fois lors de leurs précédentes rencontres. L'étudiante fut surprise de voir que les objets personnels de Jake étaient tout à fait communs. Idiote, à quoi s'attendait-elle ? A des objets aussi exceptionnels que la personne qui les possédait, peut-être.
Tout y était mais lorsque Kathleen voulut s'assurer que le garçon n'avait rien oublié dans le carton, celui-ci se referma brusquement sous son nez par un Jake étrange et confus. Le visage de la jeune femme blémit. Bon sang, elle aurait dû s'en douter. Elle le savait pertinamment. Avait-elle crû que par la grâce du Saint-Esprit le jeune homme avait totalement décroché ? Après tout, il lui avait clairement demandé son aide et celle-ci ne le lui avait pas encore soumis. Tout restait à venir. Retour à la réalité. Kathleen prit conscience que l'emménagement de son ami n'était rien comparé aux efforts qu'elle allait devoir fournir pour l'aider. Se raviser au dernier instant ? Pas son genre. Elle l'aiderait coûte que coûte, elle l'avait promis.

« Montre-moi la chambre, éventuellement, pour que j’y dépose le carton, il reste encore quelques affaires dedans. »

Kathleen aquiesça silencieusement, baissant les yeux de deception. Allez, ne pas gâcher la journée. Souris. Tu te débarasseras de cette saleté plus tard. Elle jéterait le contenu du carton et n'en dirait pas un mot à son nouveau colocataire, convaincue qu'il n'oserait pas lui parler de la disparition de sa 'seule passion'. Bien qu'il saurait évidemment de qui en est à l'origine. Pour son bien.

« Mmh, oui la chambre. »

La jeune femme releva la tête, lançant un sourire convaincant en bonne actrice qu'elle était. Elle lui fit signe de la suivre et tous deux se retrouvèrent une fois de plus dans le salon-cuisine-salle à manger. Ils contournèrent le bar américain et se rapprochèrent de la fenêtre. Là, sur la droite, une ouverture sans porte donnait sur une petite chambre où était disposés uniquement un lit, deux tables de chevet et une armoire.

« Je te présente la pièce la plus petite de l'appartement. Elle me suffisait amplement, étant seule... J'espère que tu n'as pas peur que l'on soit à l'étroit. »

Elle se tourna vers Jake et lui fit un clin d'oeil. Elle indiqua l'armoire de la tête et lança, tout en évitant de poser son regard sur le carton :

« Tu peux y ranger tes affaires. Je t'ai réservé deux étagères et deux tiroirs. Tu penses avoir assez ? »

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Elle était déçue. J le ressentit au plus profond de lui-même, comme un coup au cœur, un coup qu’il ne supporterait pas longtemps, un coup. Il acquiesçait silencieusement tandis qu’elle se dirigeait vers la chambre, cherchant quelque chose pour s’excuser, cherchant un mot, cherchant une phrase, cherchant comment prononcer un inévitable pardon. Mais rien ne lui venait, et il était lâche, et il ne voulait pas avouer ce qui était déjà clair, et il ne voulait pas montrer, et il ne voulait pas donner. Son cœur battait tellement vite qu’il eut quelques vertiges jusqu’à la chambre. Il était devenu pâle. Elle allait certainement le remarquer. Elle était déçue. Il ne pouvait se dire que cela. Elle était déçue. Et pourtant, elle aurait dû savoir, elle aurait dû comprendre. Il ne pouvait pas arrêter. Tout le monde avait essayé, personne n’avait réussi. Mais il allait beaucoup mieux qu’avant. Il en prenait moins. Il souriait. Il mettait des lunettes de soleil. Il avait un peu bronzé, d’ailleurs. Mais elle était déçue. Et cette phrase le tuait un peu plus à chaque pas, comme si tout s’accrochait à elle, maintenant, comme si tout dépendant de son jugement. J’ai mal.. Et, effectivement, il avait mal au cœur, mal au ventre, mal à la tête. Uniquement parce qu’elle était déçue.

K - Je te présente la pièce la plus petite de l’appartement. Elle me suffisait amplement, étant seule. J’espère que tu n’as pas peur que l’on soit à l’étroit. Un clin d’œil. Tu peux y ranger tes affaires. Je t’ai réservé deux étagères et deux tiroirs. Tu penses avoir assez ?

Merde. Il fallait qu’il parle. Et cette foutue boule dans la gorge, qu’est-ce qu’il en faisait ? Quinte de toux, et puis une tentative de réponse, une ébauche de réponse.

J - Ce sera parfaitement suffisant. Je suis coquet, mais pas à ce point-là. Ne bouge pas, d’accord ? Je vais chercher d’autres cartons. J’arrive.

Et il sortit de la chambre, le cœur toujours battant, sentant le regard de K dans son dos. Elle devait se demander pourquoi il était bizarre. Ou peut-être avait-elle compris. Elle était déçue et c’était comme si un monde s’était écroulé devant lui ; il ne pouvait expliquer pourquoi, mais une dizaine d’années plus tard, il confiait aux membres de NA qu’il avait enfin saisi ce sentiment fort qu’il avait dans la poitrine : orphelin, il avait le sentiment de toujours avoir été abandonné, l’impression de ne pas avoir plu à ses parents, puis aux nombreuses familles adoptives qui l’avaient rejeté, puis aux surveillants des orphelinats ne manquaient pas de lui reprocher son addiction, puis aux gens dans la rue qui le regardaient bizarrement, puis aux professeurs, qui, souvent, se plaignaient de son attitude, et ainsi de suite. Le cycle de la déception ne s’arrêtait jamais puisqu’il faisait partie du cycle de la drogue. Et J avait compris, au moment où K avait été déçue, que, puisqu’il ne pouvait se séparer de la seconde, il ne pourrait jamais se séparer de la première non plus.

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J - Et deux cartons de plus, dans la chambre ! Il n’en manque qu’une demi-douzaine, maintenant : on progresse.

Que s’était-il passé entre le moment où il avait quitté la chambre et celui où il était revenu ? Rien. Tout. La certitude qu’il fallait rester dans cet appartement pour qu’elle ne soit plus déçue à l’avenir. La certitude que fuir ne serait pas la solution, ne serait plus la solution. Alors, il souriait et faisait des clins d’œil. Et, en feignant le bonheur, il commençait à retrouver un peu du bien-être qui l’avait habité quand il était arrivé. Tout allait bien se passer, maintenant. Il fallait simplement qu’il se calme.

J - Bon. Il me reste donc beaucoup de cartons à ranger, une douche à prendre et une cigarette à fumer. Après quoi, je ferai tout ce que tu veux.

Immobile, il lui fit un dernier clin d’œil en attendant qu’elle approuve le programme ou qu’au contraire elle lui propose autre chose. Il ne devait plus décevoir. Alors, il continuait à sourire et il attendait.

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« Ce sera parfaitement suffisant. Je suis coquet, mais pas à ce point-là. Ne bouge pas, d’accord ? Je vais chercher d’autres cartons. J’arrive. »

Sa voix était hésitante et Kitty regretta de ne pas avoir mieux dissimulé sa déception. Pourtant, elle ne lui en voulait pas. Vraiment pas. Jake quitta la pièce, laissant la jeune femme et son irrepressible envie de serrer le garçon dans ses bras, en lui murmurant "Ce n'est pas grave. Ne t'en fais pas.".
Elle lança un regard vers le carton laissé sur le lit. Elle pourrait l'ouvrir, elle pourrait en vider le néfaste contenu. Pourtant elle ne le fit pas. Par respect pour son nouveau colocataire. Ce dernier revint quelques instants plus tard chargé de deux nouveaux cartons. Il semblait de meilleure humeur ce qui rassura la jeune femme qui répondait par un sourire chaleureux à tous ses clin d'oeil. Leur histoire serait merveilleuse, et la drogue ne pourrait alterner tous les formidables moments qu'ils risquaient de connaître au cours des futurs mois - voir des années - à venir. Elle le ferait vivre intensemment pour qu'il en oublie ses doses quotidiennes, elle lui trouverait des substituts, elle lui prouverait que le monde est beau même si elle-même était peu convaincue.

« Bon. Il me reste donc beaucoup de cartons à ranger, une douche à prendre et une cigarette à fumer. Après quoi, je ferai tout ce que tu veux. »

Kathleen lui lança un regard malicieux avant de déclarer sur un ton qui se voulait sérieu :

« Très bien. Alors tu commenceras par dépoussièrer les meubles puis tu passeras l'aspirateur et ...

Elle ouvrit ses bras avant d'attirer vers elle le jeune homme.

Dans mes bras, Monsieur l'adulte. »

Elle ferma les yeux et resta ne relacha pas l'étreinte pendant de longues secondes, prenant le temps de réaliser qu'ils avait tenu cette folle promessequ'ils s'étaient échangée de la nuit de noël. Un rêve fou. Un pas vers la guerison.
Enfin elle se décida à libérer le jeune homme, craignant que celui-ci n'eut étouffé. La visite était finie, restaient les affaires à Jake qui réclamaient une place dans l'appartement de la française. Ensuite ils pourraient préparer à manger, ou aller au restaurant.

« Allez, montre moi les objets qui te sont chers. »

Elle s'assit sur le lit, telle une critique de mode venue assister au défilé d'un célèbre couturier. Regard d'experte pour envisager les différentes possibilités d'emplacement. Kathleen désirait donner de la personnalité à son lieu de vie, elle allait surement être servie.

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C'QUE JE PREFERE DANS LES DISPUTES, CE SONT LES RECONCILIATIONS.

Plaisanterie. J éclata de rire face à l'insolite réponse de sa colocataire. Il fit semblant de se mettre à la tâche lorsqu'elle l'attira contre elle. Douze mille émotions le frappèrent alors de plein fouet. Il y eut la surprise de sentir que les forces lui manquaient et qu'il n'avait aucune envie de repousser cette étreinte. Il y eut le soulagement de sentir que la tension était partie et qu'ils étaient ensemble pour lontemps, qu'eux deux, ç'allait marcher. Il y eut le bonheur et le bien-être d'être dans les bras d'une femme pour autre chose que le sexe, comme si enfin il y avait un équilibre, une affection, quelque chose. K, elle, n'oublierait pas son prénom au réveil : ils étaient amis, et à ses yeux, c'était la plus belle relation qui existe. Il y eut la peur face aux sentiments qu'il ressentait pour elle, comme si, en plus de son jugement, il dépendait de son affection. Il avait besoin d'elle et cela était bien plus dur à avouer qu'autre chose. Mais, sur tout cela, ce fut bien le bonheur qui domina. Aussi rendit-il avec plaisir l'étreinte et l'embrassa-t-il sur la joue après cela, un sourire flottant joyeusement sur ses lèvres.

K - Allez. Montre-moi les objets qui te sont chers.

Maintenant que tout semblait aller mieux, J obéit effectivement à la jeune femme mais avec quelques minutes de retard, sachant qu'il fila pour cela dans la cuisine et ramena l'ensemble des cartons au bout de quelques allers/retours. Parfait. Puis il les ouvrit tous, même celui qui contenait les seringues - il n'y avait plus rien à cacher, quoiqu'il arrive -, et commença à sortir quelques objets. La première chose qu'il montra à K fut son réveil noir, typiquement anglais, se justifiant aussitôt par un 'C'est que, le matin, j'ai bien du mal à me lever, et qu'au lycée, on supporte de plus en plus mal mes retards. Ah, oui, parce que je suis le type de personnes qui arrive toujours en retard aux rendez-vous. Tu arrives à être ponctuelle, toi ? C'est d'la folie.' Puis, ce fut une lampe, puisqu'elle se présentait sous la forme d'une petite boîte aux faces de couleurs différentes, dont l'intérieur s'allumait dès qu'on l'ouvrait. 'Okay. Ca, c'est parce que j'ai peur dans les ténèbres. Ca semble stupide et on s'est souvent moqué de moi à cause de cela, mais je laisse toujours ma boîte magique entrouverte pour ne pas être complètement plongé dans l'obscurité. Tu as des phobies, toi aussi ?' Après quoi, il sortit des stupidités, notamment ses chargeurs de portable et de MP3 ainsi que quelques bouquins. La tranche du Seigneur des Anneaux apparut sur trois d'entre eux. 'Bon. C'pas de la grande littérature, mais je t'avouerai que ça me fait un bien fou de lire ça. Je n'ai pas besoin de me dro..., enfin tu vois ce que je veux dire.' Il eut alors un long baîllement et se posa sur le lit, les yeux vers le plafond.

J - Je suis mou. Je ne me sens absolument pas la force de me mouvoir, de continuer à sortir des objets ou quoique ce soit d'autre. Je pense qu'aujourd'hui, comme c'est mon dix-huitième anniversaire, on devrait faire quelque chose d'exceptionnel. Silence. Bon. Tu as deux choix. Soit on va à la fête foraine, mais qui sera encore là dans une quinzaine de jours, soit on regarde un film par pay-per-view.

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Jake disparut dans l'autre grande pièce et réapparut avec de nouveaux cartons qu'il entassa dans la petite chambre. Il réitera l'opération autant de fois qu'il fallut pour que toutes les affaires du garçon se trouvent à côté du lit, pour que toute sa vie fut là, prête à être déballée devant Kathleen. La 'boîte magique' comme il aimait à la désigner, attira l'attention et la curiosité de la française. Ainsi le jeune homme qu'elle affectionnait plus que tout avait peur du noir. Loin de se moquer ou de trouver l'idée ridicule, la jeune fille estima que quelque part, cela n'avait rien d'étonnant. Durant toutes ces années il avait été irremédiablement seul, sans personne pour le protéger des démons qui se tapissent dans l'obscurité, de ses démons qui lui rongent l'âme. Je veillerai sur toi.
Il lui demanda alors quelles étaient ses phobies. Kathleen resta un long moment silencieuse, pensive. Elle était le genre de personne à ne rien redouter, à ne reculer devant rien. Pourtant il lui semblait bien que...

« J'ai peur de ce que je ne peux voir. Pas des fantômes ou d'autres trucs dans ce genre. Ne pas savoir où je met les pieds, redouter le précipice. Ou encore sentir quelque chose grouiller sur mon corps et ne pas savoir ce que c'est. Une pause. Je te rassure, ce dernier exemple ne m'est jamais arrivé. »

Un sourire et puis le déballage recommenca. Equipement high-tec, livres, et enfin baillement. Ce n'était pourtant que le matin et la journée promettait d'être longue et inoubliable.

« Je suis mou. Je ne me sens absolument pas la force de me mouvoir, de continuer à sortir des objets ou quoique ce soit d'autre. Je pense qu'aujourd'hui, comme c'est mon dix-huitième anniversaire, on devrait faire quelque chose d'exceptionnel. Silence. Bon. Tu as deux choix. Soit on va à la fête foraine, mais qui sera encore là dans une quinzaine de jours, soit on regarde un film par pay-per-view. »

Kathleen ne put s'empêcher de sourire devant l'exemple même de ce qu'elle appelait 'La Génération Fatiguée'. Cette génération de jeunes blazés de la vie à même pas 20 piges qui semblaient avoir déjà tout vécus. Et elle n'y échappait pas, elle en était consciente. Elle consulta sa montre avant de proposer :

« Il est bientôt midi et demi. Je te propose d'abord que l'on mange avant de décider du programme de cette après-midi. Sachant que tu as plutôt l'air de favoriser le film. Clin d'oeil. Resto ou maison ? »

Sur ce elle se leva et se posta face à son nouveau colocataire, lui tendant la main pour l'aider à se lever, le visage toujours illuminé par le bonheur qui logeait en elle et semblait bien décidé à y rester.

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K - J'ai peur de ce que je ne peux voir. Pas des fantômes ou d'autres trucs dans ce genre. Ne pas savoir où je mets les pieds, redouter le précipice. Ou encore sentir quelque chose grouiller sur mon corps et ne pas savoir ce que c'est. Je te rassure : ce dernier exemple ne m'est jamais arrivé.

J eut un maigre sourire, réfléchissant en effet trop intensément à ce qu'elle lui expliquait pour porter attention à autre chose. La description de ses phobies semblait être faite pas à pas, au fil de sa pensée, comme si ele ne s'était jamais posée la question : elle parlait lentement, pesait ses mots, et cela confirmait l'image d'une fille réfléchie - ce qui, bien sûr, rendait d'autant plus étonnant cette décision éclair de colocation, on december 24th. Mais il y avait autre chose qui se dégageait de ces multiples phobies : ce précipice dans lequel on pouvait tomber symbolisait à ses yeux n'importe quelle embûche que la vie mettait aux pieds des êtres, et cette même métaphore conduirait à la peur de l'avener chez son interlocutrice. Il haussa un sourcil, cherchant à savoir si effectivement elle avait peur du futur, elle redoutait ce qui allait se passer, ou non ; malgré lui, il s'en voulait de ne pas pouvoir être certain, et pour faire partir cette culpabilité, ou plutôt cette impression d'encore si mal la connaitre, il opta pour l'hypothèse contraire, sa métaphore était tirée par les cheveux, elle semblait une fille enthousiaste face à la vie. Sourire. Puis, effectivement, le fameux bâillement et la tirade type de la GF.

K - Il est bientôt midi et demie : je te propose d'abord que l'on mange avant de décider du programme de cet après-midi - sachant que tu as plutôt l'air de favoriser le film. Restau' ou maison ?

J se renferma dans une moue pensive. Effectivement, il favorisait le film car c'était un bon moyen d'abord de découvrir les goûts cinématographiques et donc les goûts en général de son interocutrice, mais en plus parce que cela leur permettrait d'être ensemble, tranquilles, à la ramasse, pendant quelques heures. Bon. Mais il était loin de l'admettre. Cependant, lorsqu'elle demanda s'il préférait le restaurant ou la maison, il hésita franchement, avant de finalement claquer des doigts avec un sourire renouvelé et d'autant plus brillant.

J - Je propose qu'on se fasse un restaurant à la maison. Dis-moi simplement : pizza ou nourriture japonaise ?

Là encore, il avait insisté par le ton sur la seconde proposition, car la préférant largement : effectivement, elle était plus saine, comportait moins de calories, faisait donc disparaître une grosse partie de la culpabilité, et dispensait de faire des heures de sport après, d'autant plus que s'ils allaient regarder un film, ils ne bougeraient pas d'un pouce, quoique s'ils allaient à la fête foraine, la nourriture risquerait de les rendre malade, etc. Tout cela causait donc de nombreuses et interminables réflexions dans l'esprit du jeune homme, ce qui évidemment l'épuisait d'autant plus, mais plutôt que de rester mou, sur le lit, il bondit.

J - C'est donc décidé, nourriture japonaise ! Super.

Il l'embrassa vivement sur la joue et fila vers la cuisine, ne lui demandant ni de le suivre ni de ne pas venir. Deux sonneries de téléphone le menèrent à un opérateur, auquel il décréta une liste d'aliments amplement suffisante pour deux, prenant un peu de tout pour qu'il y ait quelque chose qu'elle aime. Il ouvrit à peu près toutes les portes des placards, recherchant les fameuses assiettes, qu'il disposa l'une face à l'autre, puis ce fut au tour des tiroirs de valser avant qu'il ne trouvât les couverts, et enfin il trouva tout ce qu'il restait : serviettes, verres, boissons, soja, sel et poivre - à quoi cela servirait, c'était bien l'unique question. Puis, il retira les serviettes en pensant que le livreur en amènerait ainsi que les boissons en se rappelant qu'elles faisaient partie de la commande, puis le sel et le poivre en déduisant de lui-même qu'ils ne serviraient à rien, et enfin les couverts, puisque des baguettes allaient venir avec la nourriture. Beaucoup d'agitation inutile, donc : preuve de son enthousiasme et de son envie de bien faire, tout naturellement.

[ Vraiment désolée du temps de réponse mais j'ai pas de temps pour moi, cause d'examens. (Déclarés 48h à l'avance, tout de même !) ]
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Jake sortit de la chambre suite à sa demande rhétorique sur le choix de la nourriture, laissant la jeune femme seule au milieu de tous ces cartons. Kathleen était épaté par le bonne humeur et l'investissement du jeune homme, qui étaient un peu aux antipodes de l'image du drogué habituelle. Signe de guérison ? Celle-ci resta un moment figé, son regard inexorablement attiré par celui contenant les substances nocives si chères à son nouveau colocataire. Elle s'en approcha quasi inconsciemment et l'ouvrit toujours plongée dans cet esprit second, et en contempla le contenu durant quelques secondes. Mouvement brusque. Le boîte était à nouveau close, dissimulant ses horreurs, les protegeant jusqu'à ce que leur propriétaire les extirpe, tel un enfant dévoilant son trésor composé de coquillages cachés dans une boîte à chaussures.
Derrière la cloison une voix énumérait toute une liste d'aliments. Cette voix apaisante, si familière étonnament, extirpa un sourire serein à Kathleen qui se dirigea vers son origine. Elle s'appuya contre le mur de la cuisine, croisant les bras et admirant affectueusement son oisillon si plein d'entrain. Dans son monde. Une fois le téléphone raccroché, ce dernier se mit en quête d'ustensiles probablement. La jeune femme aurait pû lui demander ce qu'il désirait mais elle ne voulut à aucun moment perturber cet élan joyeux qui emplissait la pièce d'une atmosphère toute particulière. Et Kathleen pria pour qu'elle en garda la trace à jamais, pour que même si un jour cet oisillon prendrait son envol du nid qu'elle lui avait offert, son fantôme continuerait d'occuper ce lieu. La française secoua la tête pour ce chasser cette idée qu'elle se persuada de 'ridicule'. Ne parle pas de malheur. Rappelle toi que tu es censée être froide et distante. Froide et distante, sauf avec lui.
Le garçon reposa la plupart des éléments qu'il avait sortit et Kathleen ne put s'empêcher de rire lorsqu'il se tourna enfin vers elle.

« Dis donc, quel entrain ! Tu me ferais presque peur tu sais. »

Elle s'assit sur l'une des deux chaises du bar et posa ses coudes sur celui-ci, tête sur les mains, ses yeux plongeant avec délectation dans ceux de Jake.

« Quant au film, une préférence particulière ? C'est ton anniversaire après tout. »

L'étudiante en art espérait qu'il continuerait à prendre des initiatives car elle s'avouait incapable de choisir un film. Elle aimait tous les genres sauf les films à l'eau de rose - ou 'gnangnan' comme elle aimait les qualifier - qu'elle ne regardait que très rarement, sur l'avis d'une critique qui devait être vraiment favorable. Bien qu'elle estimait que les films d'horreur soient plutôt réservés aux soirées nocturnes, il restait encore les comédies et les films d'action. Aidons Jake dans son choix.

« Comédie ou Action ? On peut mêler les deux aussi. »

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Quel entrain. Effectivement, J n'avait pas chômé et il regardait avec un air triomphant le résultat de son travail. Dans une demi-heure, se dit-il, la nourriture arriverait ; d'ici là, il fallait choisir le film, comme le disait si justement la jeune femme. Comédie ou action : cela excluait comédie romantique, film d'horreur, et tragédie. Bon. Une liste incroyablement longue disparut de son esprit et fut remplacée par bien d'autres titres, avec les vignettes miniatures de l'affiche et le casting. Que choisir ? Il y avait beaucoup de films qui lui venaient à l'esprit, comme Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux ou encore Star Wars - qui étaient pour lui des films d'action mêlés à des comédies, aussi étrange que cela puisse paraître. Il y eut encore Forrest Gump et Narnia - on s'éloignait du choix proposé - jusqu'à ce que finalement il ouvrît les yeux de manière un peu exagérée. Encore un 'Eurêka' : cela se lisait sur son visage. Il fila dans le salon, alluma la télévision, et bien qu'il ne l'eût jamais utilisée auparavant, il trouva le guide, le moyen de voir un film par pay-per-view, trouva le film en question, et appuya sur play. Un sourire absolument ravi apparut sur son visage tandis qu'il voyait le titre du film s'afficher largement sur l'écran : ce ne fut que lorsqu'il eût disparu qu'il appela K, voulant voir si elle avait déjà vu le film et voir la première réaction sur son visage. Quand elle entra, les premiers mots du film s'affichèrent sur l'écran. Un avertissement aux spectateurs.

TD - If you are reading this then this warning is for you. Every word you read of this useless fine print is another second off your life. Don't you have other things to do? Is your life so empty that you honestly can't think of a better way to spend these moments? Or are you so impressed with authority that you give respect and credence to all that claim it? Do you read everything you're supposed to read? Do you think every thing you're supposed to think? Buy what you're told to want? Get out of your apartment. Meet a member of the opposite sex. Stop the excessive shopping and masturbation. Quit your job. Start a fight. Prove you're alive. If you don't claim your humanity you will become a statistic. You have been warned.

Le sourire de J décupla, car il se sentit de nouveau complètement dans son monde : ce film comptait parmi ses favoris, comportait de l'action et un humour particulièrement cynique. En plus de cela, il traitait de ses thèmes favoris comme par exemple de la folie, avec le personnage central, schizophrène. Toujours debout, il pensa enfin à s'asseoir, invitant K à faire de même - parce que, bon, deux heures debout, ça peut être sympa, mais c'est quand même mieux de prendre ses aises. D'autant plus que c'était un film renversant. Après cinq minutes - pendant lesquelles il ne se retint que très difficilement - il lâcha quelques mots.

J - Fight Club. Un de mes films préférés. Tu connais ?

Sourire. On aurait dit un gamin. Et puis, le temps passa, les images défilèrent, et chaque chose approchait un peu plus de l'action centrale quand soudain la porte sonna. J eut un bref sursaut, puisqu'on l'éjectait assez brutalement de son monde : il fit signe à K qu'il s'en occupait et fila à la porte, où il paya et récupéra les aliments. Entre ses bras et son menton se profila alors l'ensemble de la nourriture mais également des assiettes et autres qu'il avait mis dans la cuisine et tout atterrit sur la table basse du salon. Ils étaient parés pour un bon repas devant le film. La table fut de nouveau mise, et J attendit que K commençât à manger pour lui-même goûter. Excellent choix, se dit-il avec fierté, je ne me suis pas trompé. Et puis, Tyler s'empara de nouveau de son esprit sans qu'il pût rien y faire.